À mes débuts en triathlon en 2009, avec mes envies de long, je passais pour un fou, sûrement pas conscient du haut de mes 17 ans de ce qu’était une épreuve ironman, je ne pensais qu'à Embrun ! Pour moi c'était le mythe, l'épreuve qu'il fallait faire pour être un triathlète ... Après quelques passages sur le courte distance le 15 août à rêver sur les forçats du long, en 2013 j'accomplissais finalement ce rêve que je réitérerais à deux reprises en 2014 et 2015.
2017 devait marquer mon retour sur l'Embrunman... Mais la qualification pour le mondial 70.3 obtenue en mai a changé la donne. Plus question de faire une des épreuves les plus dures au monde 3 semaines avant un championnat du monde ! C'est donc la mort dans l'âme que j'ai mis de côté l’Embrunman pour participer à la D1 qui introduisait l'épreuve haute alpine…
Durant mes quelques années de triathlon j'ai souvent eu à entendre (et supporter) l’éternel débat sur le format courte distance avec drafting qui selon les dires des vieux briscards du long défavorise les cyclistes et où le vélo n'as que peu d'intérêt ! En clair seuls les gars du long sauraient rouler et les athlètes qui remplissent les D1 seraient de simples nageurs-coureurs... Alors bien que je sois d'accord sur le fait que le format drafting désavantage les cyclistes dès lors que le parcours n'est pas sélectif, la manche du grand prix que j'ai vécue il y a quelques jours me conforte dans mon opinion selon laquelle les athlètes du court restent pour la plus part d'excellents cyclistes... J'arrive à Embrun le 12, veille du GP. Je connais déjà le parcours vélo au programme du lendemain : une bosse de 6 km à 9% de moyenne avec une rampe à 14% et une descente rapide mais piégeuse agrémentée par une sortie du parc à vélo constituée d’une rampe de 800m aux alentours des 12%. Si on ajoute à cela une jolie descente dans un lotissement étroit et remplis de gravillons, le tableau est complet... bref comme toujours à Embrun c'est un chantier et c'est pour ça qu'Embrun est mythique ! Après une courte nuit de sommeil (c'est aussi une spécialité embrunaise) le réveil sonne à 5h45... Il faut voir le bon coté des choses, sur le long à cette heure je suis déjà en combinaison prêt à m'élancer... Le parc à vélo ouvre à 7h15, nous déposons nos vélos et nos baskets avant d'aller nous échauffer. L’eau a été "mesurée" à 20,1 soit 0,1 degré au dessus du seuil qui nous aurait autorisé la combinaison néoprène... Mais pas de surprise, la D1 ce n'est pas le triathlon du coin, on sait à quoi s'attendre.
Une à une les équipes sont appelées sur la ligne, nous héritons du dernier sas, sur la droite de la ligne, ce qui pour une fois est une bonne chose ! 8h30 c'est parti pour la troisième étape du championnat de France de D1... Comme d'habitude, la nat est engagée, jusqu'à la première bouée à 200m, la centaine d'athlètes reste plus ou moins compacte... et comme toujours tu commences à croire au miracle "peut être que cette fois il n'y aura pas de sélection dans l'eau, peut être que je vais sortir au contact du gros pack"... et là le "principe de réalité s'impose à toi" comme le dirait une figure du triathlon français... tu prends un gros éclat, le pack s'étire, tu relances pour ne pas sauter, quand tu pense avoir limité les dégâts la seconde bouée est là ! Rebelote ça visse deux fois plus et là tu te dis qu'il faut sauver les meubles et limiter la casse ! Les 300 derniers mètres c'est sauve qui peut ! Je sors à 59" de la tète de course emmenée par Raoul Shaw... Mais 69e ... à cet instant, je suis avec un petit groupe composé de gros rouleurs et je me dis que vu le menu en vélo aujourd’hui il y a des places à aller chercher ! Je sors de T1 en mode boucher, Arthur Horseau me dépasse et j'accélère de suite. La rampe se passe grand plateau à 497 W NP. Pour les amoureux des chiffres : 1'15’’ à 6'6W/kg ... Là tu te dis juste que ce serait bête de sauter après seulement 2' de vélo... Arthur fait la descente dans le lotissement à bloc, je suis à la limite mais ça passe ... Juste derrière ça tombe mais je suis tellement à bloc que je ne m'en rends pas compte. Il reste 3 km de plat avant d'attaquer les hostilités ! Je ne voulais pas rouler sur cette portion et pourtant je me retrouve à devoir relayer Arthur Horseau... enfin relayer disons plutôt qu'il me laisse passer, mes cuisses sont déjà cramées ! Au pied de la bosse le second groupe est juste devant, et là je me dis que je vais pouvoir répondre à l'éternel débat ! Le feu d'artifice commence, Horseau en met une, je m'écarte, derrière ça suit, je me mets en danseuse, ça brûle, je relance, ça brûle fort... je me rassois ! Je monte à mon rythme, les jambes bloques à 380W, je reprends quelques triathlètes qui sont encore plus collés que moi mais je ne reverrais jamais personne du premier groupe... au sommet de la bosse Théo m'a rejoins, nous nous retrouvons avec un jeune de Parthenay et le vélo se terminera ainsi...
Je rentre à T2 en 67e position... ça calme ! L'ambiance est fidèle à celle que j'ai connue sur le long, malgré l'heure matinale la digue est remplie de monde et c’est un vrai plaisir que d’être là ! Je termine ma course à pied à la 71e place... Ma meilleure position en GP, bien aidé par un parcours pour cycliste et par une start list un peu moins effrayante que sur l’étape de Dunkerque mais agrémentée de quelques rouleurs...
Alors voila j’ai eu ma réponse ! Les mecs du court savent rouler, sûrement qu'il ne seraient pas à leur aise sur 180km, sûrement que cette fois les meilleurs cyclistes se sont illustrés... Mais voilà un triathlète CD ou LD sais rouler et aujourd’hui malgré mes quelques coups d'éclats sur les parcours cyclistes de la région, j’ai était transparent ! Certains diront que je ne suis pas un grimpeur, j'aurais du mal à les contredire mais ce serait me cacher derrière des mirages ! Aujourd’hui les meilleurs sont restés devant et moi j'étais à ma place ! Bien heureux de pouvoir goûter au meilleur championnat du monde et de pouvoir vivre l'Embrun version D1 ! Après avoir passé la journée du 15 août rempli de nostalgie et parfois même d'un peu de tristesse, je sais que je reviendrais sur l'Embrunman et ce sera sûrement l'an prochain ! À moins que le calendrier des courses soit une fois encore bouleversé ... Mais pour le moment, place au monde 70.3 dans 3 semaines !