Julien et moi nous sommes souvent faits la réflexion : « un iron man plat ça se passe comment ? »
Non parce que embrun, l’Izoard, Pallon… c’est bien beau mais un parcours rapide ça doit pas laisser les même traces …
- Sinon il y a l’Iron Medoc …
- C’est quand ?
- Dernier week end de mai.
- Moins d’un mois après Aix ça fait court … On verra si Aix se passe bien pourquoi pas…
Après cette conversation, la graine était plantée !
Nous voici donc le 3 Mai au soir, Aix s’étend plutôt bien dérouler, la question de faire cette course est vite revenue sur le tapis. Outre l’écart avec le budget prévisionnel, partir sur un iron sans l’avoir planifié dans la saison cela ne m’enchantait pas vraiment. Mais à force d’en parler, Fredo me fait me décider : « tu sais des fois c’est quand on planifie le moins que cela se passe le mieux » Et pourquoi pas ? L’hiver c’est bien passé, il reste un petit peu plus de trois semaines… Bref à force de tourner autour du pot, me voici inscrit pour ce fameux Iron Médoc.
Jeudi 29 Mai départ pour la région bordelaise, les vélos sont prêts, les bonhommes un peu moins ; Les trois dernières semaines nous ont permis de remettre quelques belles séance et de tenter de faire revenir un pic de forme mais depuis quelques jours j’ai une douleur persistante dans le poplité gauche. On verra si les séances de kiné de dernière minute auront un effet …
Après une halte à bordeaux et une courte nuit de sommeil, nous rejoignons le site de course à hourtin, les 30km qui nous en séparent sont terriblement plat, de grandes lignes droites bordées de pins … De quoi imaginer des moyennes folles pour le lendemain !
Nous décidons d’aller immédiatement repérer le parcours vélo. Ce dernier est constitué de 4 boucles en aller retour, monotone mais idéal pour lire la course et gérer son effort. Mais après une petite heure de repérage, le parcours ne nous semble plus aussi plat que sur le papier. Sur chaque tour il y aura une petit bosse d’environ 800m suivie d’une portion de 12km en toboggan à effectuer en aller retour. Rien de bien méchant mais suffisant pour user les cannes.
Finalement, nous allons retirer les dossards et déposer le vélo dans le parc. Ensuite, après une petite ballade sur la plage pour regarder le plan d’eau, direction le briefing. Ambiance détendue, l’organisateur a tout prévu pour que les triathlètes n’ai rien d’autre à faire que de nager, rouler et courir ! Ça change !!!
22h, direction le dodo parce que demain on ne part pas sur un sprint !
Le réveil sonne à 4h, petit déjeuner dans la chambre, douche et direction le parc à vélo. Le stress commence à monter, petit à petit je me remémore embrun et mes sensations pendant la course. Je chasse ces pensées négatives et j’essaye de me focaliser sur le plan de bataille que j’ai imaginé durant trois semaines. L’idée est simple : 1h-5h-4h pour un sub 10h… Dis comme ça cela semble facile mais quand on pense à la journée qui se profile, cela devient tout de suite moins évident. Tout mon matériel est en place, j’enfile ma combinaison puis nous nous dirigeons vers la zone de départ.
Le départ approche, dernier encouragement mutuel avec julien et c’est déjà le moment de se positionner sur la ligne. Je suis étonnamment détendue, la musique monte petit à petit, Hells bells d’ACDC retentit, petit sourire avant de me re plonger dans la course.
La corne retentie, les 300 triathlètes présents s’élancent pour 226km de « bonheur ». Rapidement un petit groupe se forme sur ma gauche, devant un seul nageur se détache. J’essaye de recoller pour me mettre dans les pieds mais au fil des mètres je perds du terrain. Une fois sortie du chenal, j’intègre le groupe partis à la chasse du hongrois. Le parcours est assez difficile à lire, beaucoup de bateau et de bouée sont sur le plan d’eau et il devient compliqué sans avoir le kayak ouvreur en visuel de ne pas se tromper de cap. Pas d’affolement, je me place bien tranquille dans le groupe, à l’abri dans les pieds des premiers nageurs tout en contrôlant la trajectoire car j’ai l’impression que mes compagnons de route ont décidé de rallonger la ballade ! La natation se passe sans encombre et de retour dans le chenal je décide d’accélérer un petit peu. Déjà parce que je sais enfin ou il faut aller ! Et puis aussi et surtout parce que sortir en deuxième position c’est un petit plaisir qui n’arrivera pas souvent sur Iron Man !
J’en termine donc avec les 3800m de natation en 51’ et surtout en seconde position. Une courte transition plus tard, me voici dans le vif du sujet ! Là on ne rigole plus on est parti pour s’avaler 180 bornes ! Bon si on fait les bilans après la T1, je suis en troisième position, dans le groupe de chasse derrière le champion de Hongrie de tri LD. Ma natation s’est passée plutôt tranquillement. Cela ne pouvait pas mieux démarrer. Je décide donc de devenir joueur et Je démarre tout de suite avec pour objectif de rattraper la tête. (Bon ok, c’est sans compter sur le second qui as eu la même idée que moi mais qui lui avait les moyens de le faire…)
Bref me voici donc lancé sur la route nationale à la poursuite de ce cher Attila avec dans mon sillage S.Souffleux le vainqueur de la première édition et G.Verschuere. La première boucle s’achève en 1h10’ soit prés de 39 de moyenne. Je profite de l’occasion pour faire un premier point sur les écarts. Devant le hongrois est toujours en tête mais gaspariau revient très fort sur lui. Nous sommes toujours trois à nous relayer tout en respectant les distances, nous roulons fort mais le rythme est loin d’être insoutenable. J’aborde le second tour avec une seule idée en tête, lâcher mes deux compagnons de route. Je reprends donc la tête du trio dès la sortie du village et je hausse le rythme pour voir si l’un d’eux est à la limite… Visiblement seul souffleux résiste. Je pose une première attaque dans la bosse et je parviens à me détacher de mon dernier accompagnateur. Allez c’est parti, il faut poser troisième !
« Non mais attend le gars est en train de croire qu’il va rentrer troisième à T2 sur un Iron ?! Allez redescend sur terre mon petit ! »
La satisfaction est de courte durée, malgré la régularité (1h10’ au premier et au second tour), les choses se gâtent dès le début du troisième. Le vent de l’atlantique vient de se lever, la moyenne chute inexorablement et mes ex compagnons reviennent sur moi… Puis ils me dépassent. Je m’accroche quelques kilomètres à leur rythme mais je suis clairement dans le rouge. Peu à peu mes muscles me font souffrir, quadri, ischio, delto… toute la planche à anatomie se rappelle à mon bon souvenir ! La position Aéro devient intenable : être à plat c’est bien beau sur sprint mais là on parle de 180 bornes, va falloir revoir ça ! On oubli le mode chasseur de podium, retour au mode chasseur de finish line. Les 50 derniers kilomètres s’annoncent rudes mais je garde pour objectif de faire un sub 5h sur le vélo.
Les douleurs sont de plus en plus présentes mais je m’accroche à mon 36 de moyenne. Je termine les 180km en sur régime mais je ne voulais pas avoir de regret ! 4h59’44’ ouf j’ai eu chaud !
Mais malgré ce gros coup de moins bien sur la seconde partie cycliste, je suis en 10e position de la course après 5h55’. Les premiers mètres sont très douloureux, déjà la chaleur se fait ressentir, bref je vais vraiment passer un enfer…
« Non mais attend deux secondes si tu es venu là ce n’est pas pour refaire ta chochotte et marcher le marathon comme un pèlerin qui va a saint jaques de Compostelle ! Énerve-toi un peu et va chercher ton chrono de référence ! »
La machine est lancée, le parcours pédestre est constitué de quatre boucles en aller retour alternant goudron et chemin mais exposé à la chaleur. Malgré cela je pars une nouvelle fois trop rapidement, je mets tout de suite le clignotant et je retrouve une allure plus sage. 25’11 au premier demi tour, les deux premiers ravitos se sont bien déroulés, malgré la chaleur je parviens à ne pas me noyer l’estomac… Je termine la première boucle en 51’ juste sous les 12km/h ! Mais au départ du second tour je commence à lâcher mentalement, il reste un petit peu plus de 30km à effectuer et si je me mets maintenant à marcher cela ne repartira pas. Je me focalise sur les ravitos que je décide de les marcher pour permettre à mes muscles de se relâcher quelques instants. Pas après pas, je sais que je me rapproche de la ligne. Si je lâche maintenant j’aurai fait tout cela pour rien. Le semi s’achève en 1h58’, il va me falloir relancer si je veux faire mon sub 4h !
Mais au départ du troisième tour julien m’a repris énormément de temps, gros coup de massue derrière la tête car même si nous sommes amis et partenaires d’entrainements il y a toujours un petit challenge entre nous sur chaque course. Une sorte d’émulation qui permet de se sur passer … Et c’est ce qui s’est produit. A partir de ce moment là je change complètement de mode de pensée, je ne suis plus entrain de subir mon marathon, je prends conscience que la douleur devient insupportable car je réduis ma foulée, une sorte de cercle vicieux ou plus ma vitesse décroit et plus ma douleur augmente. Pourquoi combattre cette douleur ? Pourquoi chercher à l’éliminer alors que l’on sait pertinemment que chaque pas va l’augmenter et la renforcer. Plutôt que de vouloir la fuir, il faut chercher à l’apprivoiser, la contrôler… Tout cela est très abstrait mais c’est réellement comme ça que j’ai vécu les choses. Peu à peu la douleur n’est plus devenue aussi insupportable qu’elle ne l’était, ma vitesse a augmenté. J’arrive au 27e et le moral est revenu, les kilomètres défilent, les ravitos s’enchainent et peu à peu le temps final se précise. A chaque kilomètre je refais mes calculs, je me demande si cela va passer où pas… Le compte à rebours est lancé, il me reste une heure pour effectuer le dernier tour soit 10.5km.
Je reste prudent jusqu’au 36e, au demi tour je sais que je ne craquerai plus. Reste à savoir si mon sub 10h va passer où pas car en 5 km il peut s’en passer des choses après 9h de course !
Je décide de sauter le dernier ravitaillement, j’avance sans aucune autre pensée que le chronomètre qui s’arrête sur 9h59 … Dernier tour de l’ile aux enfants, plus que quelques centaines de mètres. Je débouche sur le tapis rouge, je ralentis pour savourer ces derniers mètres puis je franchie cette arche d’arrivée tant attendue.
Je m’assoie quelques mètres plus loin face à cette finish line et là je réalise que j’y suis arrivé. 9h56’01, 22e et surtout je passe sous la barre des 10h !
Une course magnifique, j’ai enfin la satisfaction d’avoir fini un iron man sans laisser filer la course. Aucun regret cette fois ! Même si il me faudra encore de nombreuses années avant de maitriser la distance et de pouvoir m’exprimer pleinement, ce résultat me rassure !