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01/10/2015

Souffrance & Délivrance

posté à 21h17 dans "Saison 2015"

16 aout 2014 10h je range ma chambre d'hôtel et m'apprête à quitter embrun. J'ai mal, mes jambes sont remplies de courbatures en raison des efforts de la veille... Mais j'ai surtout mal moralement. Malgré tous les sacrifices la journée d'hier a été un véritable calvaire. Je repense a tous ceux qui m'ont suivi et encouragé et je m'en veux de les avoir déçu, de ne pas avoir était à la hauteur... Mais à la hauteur de quoi ?! Au fil des jours j'ai compris que le seul à attendre quelque chose en ce 15 aout c'était moi ... Plus le temps est passé plus j'ai ravalé ma déception. J'ai fini par accepté mon échec ... dans ces moments on se fabrique des excuses : les lunettes qui se cassent, le froid, le vent... Mais sans tous ça aurais je vraiment fais une autre performance ?! Est ce que si Julien n'était pas resté avec moi il aurait fait un meilleur temps ? Ces questions je les ai tournés dans tous les sens de long moments ... Le seul moyen d'y répondre était de retourner à embrun une nouvelle fois. Mais pour que cette troisième tentative de chrono soit une réussite il me fallait revoir beaucoup de chose : a l'entraînement, en course mais aussi et surtout dans mon approche... Arrêter de calculer, de raisonner et simplement faire ce que j'aime faire : du sport.
Après une saison plutôt bien réussie avec deux objectifs déjà remplie (70.3 Aix et Ironmedoc) il me reste l'inconnu principal : embrun
Jeudi 13 aout, je débarque dans la ville qui durant une semaine fait figure de capitale du triathlon ! Je vais tranquillement retirer mon dossard, puis j'assiste aux courses de première division. Je croise quelques têtes connus, petit à petit je réalise ou je suis et je rentre dans ma petite bulle.
Vendredi 14 aout veille de course. Petit déblocage d'une heure en vélo sur le parcours du marathon puis direction le parc pour déposer le bike. L'orage se met à gronder, il pleut des cordes et forcément je cogite... Je n'ai pas envie de revivre une journée à souffrir pour rien comme l'année précédente. Mais pas le choix, nous voici Julien et moi à faire la queue sous la pluie pour rentrer dans le parc. Les vélos sont à leur place, protégés par des sacs plastiques. Nous nous dirigeons vers le briefing. Les visages sont déjà tendus. Peu à peu l'idée de faire embrun sous la pluie me plait, quitte à faire une course difficile autant qu'elle le soit vraiment ! Et puis j'ai l'avantage d'avoir déjà roulé sous la pluie sur ce parcours… L’auto persuasion commence à porter ses fruits, lorsque nous prenons la direction du plan d'eau pour une petite natation je me sent prêt. Je profite de ce moment dans l’eau pour me vider l’esprit ; Une fois sorti je reste de longues minutes assis sur la plage à regarder les sommets remplies de nuages, l'eau du lac fouettée par les gouttes de pluie... J'essaye de ressentir le calme qui m'entoure pour m'apaiser. Je sais que demain tout ira bien.
Quelques heures plus tard mes affaires de courses sont prêtes, j'éteins la lumière il est 22h...
2h45, le réveil sonne je suis déjà debout comme si j'avais fermé les yeux un instant plus tôt. Je prends une douche pour finir de me réveiller puis je descends au petit déjeuner en compagnie de Julien ; quelques céréales et pains au chocolat plus tard nous descendons au plan d'eau. Il est 4h du matin je rentre dans le parc et entreprend de préparer mon vélo : je fixe mes barres et gels, mon matériel de réparation ... 5h20 je sors du parc et j'enfile ma combinaison. Il est déjà l'heure de rentrer dans l'eau pour "s'échauffer". Je me dirige ensuite vers la zone d'attente. La plus part des triathlètes sont déjà en place. Je me faufile jusqu'à la première ligne. S'ensuit de longues minutes d'attente. Les barrières s’ouvrent, je me place sur la droite de la ligne, les arbitres nous retiennent, une fois que tous les triathlètes sont en places un à un ils se retirent. Les spots des photographes et de la télé s’écartent, la musique s'estompe... je respire une dernière fois pour essayer de faire le vide. L’excitation et la peur se mêlent pour donner un sentiment inexplicable, j’ai envie de profiter de cette journée mais en même temps elle m’effraie tellement… Le coup de pistolet retentit, les 1400 triathlètes se jettent dans l'eau noire éclairée uniquement par les flashs des appareils photos. Il est 6h et je m'élance pour l’Embrunman, ses 234 Km et 5500m de D+ pour la troisième année ! Il faut se placer, éviter les coups et tenter de s'orienter le mieux possible...
La troupe s’étire, le kayak ouvreur s’éloigne… la course a vraiment commencée. J’essaye de m’orienter mais les bouées sont quasiment invisibles dans la nuit. Pendant le premier quart d’heure tous le monde se rentre dedans et se donne des coups. Je commence à rager contre « tous ces cons » qui ne savent pas nager droit puis une petite voix m’intime de me calmer. Pas d’autres solutions que de suivre les autres nageurs. Au fil des minutes le jour commence à se lever. J’en termine avec le premier tour, je m’étais promis de ne pas regarder mon chrono mais je cède à la tentation : 25’40, dans les clous pour améliorer mon meilleurs temps donc tout va bien ! A embrun bien plus que sur n’importe quel Iron Man, la natation ne détermine pas le chrono final mais elle peut largement influé sur la suite de la journée…J’entame le second tour alors que les nuages s’accrochent déjà aux sommets alentours. Petit point de coté qui me force à ralentir l’allure mais pas d’affolement la journée est encore longue. Je termine en essayant de me trouver un petit groupe pour rester bien « au chaud » mais avec les féminines à doubler il est difficile de garder les pieds plus de 30’’… Finalement j’aperçois la berge, dernier coup de bras et je me redresse… J’entends mon prénom sur ma droite, tous mes sens se réactivent après près d’une heure passée dans l’eau à ne rien entendre. Le speaker annonce Victor del corral à la sortie de l’eau. Devant ou derrière moi, qu’importe il est dans les parages. Mais bon pas question de suivre ce gars là !
J’arrive à mon emplacement, je retire ma combi et m’équipe pour le vélo : sous vêtement, manchette, maillot vélo… « Surtout ne rien oublier vu la météo ». 6h58’ j’enfourche mon vélo, retour à embrun prévu dans 7h30 si tout va bien.
La sortie du parc est toujours aussi énorme, la route est remplie de monde, même si l’on ne veut pas s’enflammer sur cette partie là c’est difficile de se contrôler, sa crie, sa tape dans les mains, on entend son prénom sans savoir d’ou cela vient... J’aperçois Gégé au sommet du Raidard, il me hurle dessus le poing serré en m’annonçant la tête à 7’. C’est bien gentil tous ça mais cette année je me fiche des chiffres, du chrono des écarts, de la place… Je suis là pour me faire plaisir et passer une bonne journée de sport !
Les premiers kilomètres mettent tout de suite dans l’ambiance, la route s’élève au dessus du lac de Serre-Ponçon avec des pentes proches de 10%, les spectateurs sont encore massés sur le bord de la route mais cela ne durera pas bien longtemps. Je n’ai pas de bonne sensation, mes jambes sont dures, surement à cause du froid mais bon qu’importe, il va falloir pédaler pendant quelques heures… Les minutes passent, je rentre de plus en plus dans ma course, les jambes sont toujours récalcitrantes mais je focalise mon attention sur les sommets qui surplombent la vallée. Je remonte plusieurs concurrents, je me dis que j’ai vraiment du mal nager vu l’écart de vitesse.
« Allez, t’es bien là… enfin t’es mieux que ceux de devant en tout cas » … Heu toi tu ne sais pas ce qui ce passe dans mes jambes là !!! Peu âpres cet étonnant encouragement, Je rattrape Julien P d’embrun, nous discutons quelques instants de nos ambitions chronométriques. Apparemment il part sur 6h30. Heu … pourquoi je double un mec parti avant moi qui vise 6h30 ?!!! Allez on a dit pas de calcul, je reprends mon plan de marche (en réalité mon seul plan cette année c’est de ne pas en avoir !). Je bascule au sommet de la première partie de la bosse, maintenant c’est une longue succession de coup de cu jusqu’au 25e qui m’attend. Il y’a beaucoup de moto presse et Tv qui me doublent, j’ose croire que c’est bon signe, les favoris ne doivent pas être si loin…
La machine est enclenchée, je trouve mon rythme, les jambes se délient au fil des rampes qui se succèdent, je commence à m’alimenter. Je continue ma remonter mais petit à petit le nombre d’hommes à porter de pédales se réduit… Devant moi j’aperçois une féminine, une moto l’accompagne … « Allez Jeanne ! Allez !!! »
Je ne percute pas tout de suite mais après quelques secondes un doute s’installe… Jeanne ? Jeanne collonge ?! Je regarde de loin son allure et son vélo, ça semble être une tenue Arena et un cadre cannondale… Quelques mètres plus tard je la rejoins dans le raidar à 20%, c’est bien Jeanne Collonge, la recordwoman de l’épreuve, 10 e au scratch en 2013… Sauf que elle est partie 10’ avant moi ! Là je me demande sur quelle planète je suis ! Je suis partagé entre l’envie de me laisser aller aux sensations quitte à exploser ou me freiner pour ne pas me bruler les ailes. Je m’étais promis de ne pas calculer, de me faire plaisir mais sur une telle épreuve il faut rester prudent ! Je passe au premier pointage à Saint Apollinaire aux alentours de 48’. L’air est frais, je décide d’enfiler mes manchettes pour la descente. Je double encore quelques concurrents sur cette partie dont Isabelle ferrer la seconde de l’an passée ; Elle semble bien couverte mais pour l’instant je n’ai pas froid c’est bon signe !
Retour au niveau du lac la partie la moins agréable du parcours puisque elle se déroule sur la nationale ! Un petit groupe se forme derrière moi à distance respectable, qu’importe, je roule pour moi, la moyenne remonte rapidement ! La bosse de Savine est passée sans encombre, au sommet un gars m’annonce 18e ?! Pardon ?!!!! Là je suis 18e de l’Embrunman ?! He beh quand je vais me prendre la claque elle va être sévère ! Mais au moins je me serais fait plaisir. Le troisième ravitaillement arrive, j’en profite pour remplacer une de mes gourdes mais en jetant l’ancienne dans la zone de propreté je me rends compte que le concurrent derrière moi est vraiment proche, je me retourne et cela ne loupe pas … L’action aura durée une fraction de seconde mais cela aura suffit pour envoyer le cycliste qui me suivait au sol. Je m’arrête quelques instants pour vérifier que tout va bien puis je repars.
La course reprend ses droits, me revoici à l’entrée d’Embrun après 1h18’ de vélo. Des centaines de spectateurs sont massés le long de la route menant à Baratier. Un concurrent me double, Dossard 3 … Bon lui ça doit pas être un peintre ! Le passage au rond point est une fois encore magique, j’entends mon nom à plusieurs reprises, je devine Thibault et les graylois dans le début de la montée, julie et kelly un peu plus haut. Puis c’est au tour de Vincent quelques centaines de mètres plus loin. La courte montée arrive à son terme, je tourne à gauche vers les balcons de la Durance. L’échauffement est terminé, les choses sérieuses vont bientôt commencer mais j’ai fait le plein d’émotions sur cette portion !
Cette liaison surplombe la durance et mène jusqu’au pied de l’izoard par une succession de faux plat, pas forcément la partie la plus simple à négocier pour moi. Mais qu’importe, jusqu’ici je prends du plaisir et c’est ce qui compte ! Première cote de cette section qui mène au village de la madeleine, Julien P me reviens dessus, nous discutons de nouveau tout en doublant la troisième féminine. Au sommet je décide de prendre la tête du petit groupe. Au moins je ne subit pas le rythme des autres et surtout en cas d’arrivée d’un arbitre je suis sur de ne pas être dans la zone de drafting. La moyenne continue de monter, le vent se lève et les nuages s’accumulent de plus en plus. Je songe au gorge du Guil, ce sera un enfer si le vent de face se renforce… « Ne te projette pas, fait ce que tu sait faire, roule ». Rapidement je me trouve sur la nationale en direction de Guillestre j’entends une moto s’approchée puis ralentir … Un arbitre ? Je me retourne et j’aperçois Gérard le président de la ligue qui se place à ma hauteur. Il m’encourage et me demande si cela va, nous parlons quelques instants puis il me met en garde « ça n’a pas encore commencé là »… J’en profite pour me renseigner sur ma place, « moins de 20 gars devant » … Cela confirme les précédents pointages. Il m’encourage une dernière fois puis il reprend sa remontée vers la tête de course et moi ma route vers le col. Je passe relativement bien les premières pentes traversant Guillestre et me voici à l’entame des gorges. Ces fameuses gorges du Guil où tu ne sais jamais s’il faut mettre la plaque ou l’enlever ?! Ces fameuses gorges où tout le monde te dit de gérer ! Ces fameuses gorges qui m’ont toujours fait vivre un enfer en course… Je décide de prendre le temps de me ravitailler et laisse partir mes deux compagnons puis je ré enclenche la machine. Gérer ? Où se faire plaisir et s’accrocher au top 20 jusqu’au pied du col ? Le choix est vite fait ! Je Décide de garder la plaque et de rouler. Je rattrape un concurrent au milieu des gorges. Je suis donc pile 20e (petite satisfaction je l’admets mais dans ces moments là cela motive !).
La stèle marquant le début du col à proprement dit se dévoile devant moi ; 15 Km jusqu’au sommet. A ce stade de la course je suis largement en avance sur mes prévisions (et pour cause je n’en avait fait aucune cette année) mais aussi sur mes ambitions… Mais les doutes sur ma capacité à tenir ce rythme commencent à devenir de plus en plus présents d’autant que je n’ai pas énormément mangé depuis le départ. Je jette un œil à ma montre, 2h47’ même si je monte en 1h30 je serais dans les clous pour atteindre le sommet en 4h ! « Ne calcule pas, attend l’arrivée pour ça » je me répète plusieurs fois cette phrase puis je me re concentre sur la course. La pluie s’invite à la fête dès la première pente. J’ai toujours eu peur de faire embrun sous la pluie, mais là il va falloir faire avec en espérant que la descente ne sera pas trop dure. Au bout de quelques minutes je commence à avoir froid, malheureusement j’ai fait le choix de laisser mon coupe vent dans le ravito perso au sommet, la galère va commencer… Je décide de monter en gérant, j’estime avoir pris assez de risque jusque là. A peine Arvieux dépassé, plusieurs concurrents me doublent, certains accompagné de cyclistes sans dossard, no comment! Je débouche sur la longue ligne droite de Brunissard alors que la pluie continue de tomber. Les premières véritable douleurs musculaires apparaissent, la course, la vraie vient de débuter. Peu après le premier lacet je croise Julie et Kelly, j’essaye de rire de mon état : « je ne sais pas quand je vais sauter mais à mon avis c’est pour bientôt ! »
Le chrono défile, l’altitude augmente mais après de longues minutes d’ascension, la casse déserte se dévoile enfin ; les sommets sont dans les nuages, la brume nous entoure … Un paysage splendide, j’en oublie quelques instants la course mais rapidement je suis ramené à la réalité par quelques spectateurs emmitouflés sur le bord de la route.
28 ! 35 ! 31 !
J’ai l’impression d’assister au loto du club de foot du coin… J’en rigole intérieurement car pour la première fois je me fiche de la place, je suis là pour faire ce que j’aime : rouler ! Les deux derniers kilomètres approchent, j’aperçois le sommet du col juste au dessus. A ce stade de la course, je suis partagé entre être heureux d’avoir passé la moitié du vélo et l’appréhension de la suite … Mais je suis vite tiré de mes pensées par une voie familière.
Ho raph ! Ca va ?
Ho leuleu ! Ouais j’en chie !!
Petit coup de boost au moral de croiser une tête connue avant le sommet. C’est ça qui est bizarre dans ce sport : Un ex champion du monde qui me demande à moi si je vais bien…Dans n’importe quel autre discipline les gars n’en aurait rien à foutre alors que lui il est là à se geler pour suivre la course … Je jette un coup d’œil à ma montre 3h49 de vélo … Et là je me dis c’est bonnnnn t’es largeeeeee ! Un peu comme un étudiant à qui on annonce qu’il a deux jours de plus pour rendre son mémoire (vous voyez ce que je veux dire les membres du DE ?!)
J’attrape mon sac, je me fixe 5’ de pose max avant de repartir … Changement de gourde, je reprends quelques barres et gels même si pour l’instant je n’ai quasiment rien avalé … J’enfile mon k-way avec du journal sous le maillot vélo puis c’est parti pour la descente, il fait 4°.
Et là c’est le drame comme dirais l’autre… Mon cadre tremble entre mes jambes au rythme de mes claquements de dents, je suis littéralement gelée. La descente de l’izoard sous la pluie en roue carbone je m’étais dis plus jamais lors de la reco l’année passé … malheureusement pas le choix. Je me concentre, il ne faut pas faire d’erreur si l’on ne veut pas aller au tapis bêtement. Je double plusieurs concurrents qui semble arrêtés, sois je suis devenue un bon descendeur soit les mecs sont vraiment collés ! Au fil des minutes et de l’altitude qui décroit, la température devient plus clémente. La pluie est toujours là mais le plus mauvais moment de la course est derrière moi… Enfin j’espère. Briançon passé, direction la liaison des vigneaux qui mène au pied de champcella. Les premières minutes où il faut re pédaler après la descente sont difficiles, les muscles sont raidis par le froid… Les sensations vont mettre une bonne demi heure à revenir. Au pied de la cote des vigneaux je me rends compte que j’ai gardé mon papier journal « putain le con ! » il va falloir le garder jusqu’au prochain ravitaillement, je prie pour qu’il arrive avant champcella …
Quelques dizaines de minutes plus tard, me voici au pied de cette fameuse cote de pallon ou champcella comme vous voulez … 2km5, 12% 0 virage … ça c’est pour la présentation brute, en clair c’est une belle c…. qui débarque après 140 bornes histoires de calmer tout triathlète qui croirai avoir encore un soupçon d’énergie. Stratégie basique, tout à gauche, en danseuse, tu baisse les yeux et tu attends que ça passe … Enfin ça, c’est la théorie, en réalité avec la masse de spectateurs positionnée tout le long de la rampe, c’est plutôt envoie tout ce que tu as (enfin ce qu’il te reste) et fait croire que tout va bien … Tout le long on m’annonce des places différentes, ça oscille entre 30 et 50 … Pas mal comme amplitude ! Bon à moins de tomber le top 100 à T2 s’est acquis ! La pluie se renforce, elle se mèle au vent de face pour rendre la course un peu plus difficile encore. « si c’est dur pour toi c’est encore plus difficile pour les autres » Philosophie emprunter à Sebi Kienle mais qui me permet de me croire fort… La descente vers l’aérodrome est glissante mais à force je commence à connaitre ce parcours comme ma poche … Au pied de réotier j’aperçois mes grands parents sur le bord de la route, une année encore ils m’ont accompagnés. J’essaie de leur faire un grand sourire et de leur montrer que tout va bien même si cela commence à devenir dur physiquement. Paradoxalement, je n’ai jamais pris autant de plaisir sur cette course et ce parcours … Va donc comprendre ! Petit passage folchlorique d’un pont en travaux ou il faut passer à pied sous les yeux d’un arbitre et c’est repartis vers les balcons de la Durance. Dernière liaison direction chalvet … Je me lance dans des calculs savants pour savoir si le sub 7h en vélo va passer … Bilan j’en sais rien, mais dans le doute on va visser pour ne rien regretter ! La pluie c’est transformée en averse, je suis complètement trempé, le marathon s’annonce vraiment compliquée … surtout si il dure 6h comme les années passées !
- Non ne pense pas à ça ! concentre-toi
Pont neuf arrive, je tourne à droite, me voici au pied d’embrun. Faudra quand même expliquer au gars qui a tracé le parcours que le parc à vélo est à 2km, chalvet ce n’est vraiment pas la peine ! Bref deux solutions se profilent : soit je vais exploser soit je fais une vraie montée et le sub 7 est encore jouable … Je passe plutôt bien les premières rampes jusqu’à la gare d’embrun, il est trop tard pour s’alimenter en solide alors je fonctionne avec des gels… ça va le faire. La pente augmente, je me focalise sur mon pneu avant. A ce stade rien d’autre que le chrono ne m’importe. J’ai passé la journée à me dire qu’il n’est que secondaire mais maintenant je n’avance que pour lui … les kilomètres défilent, 179, 180 … Les spectateurs se font de plus en plus rares, j’appuie le plus fort possible sur les pédales, j’ai l’impression d’être inefficace tel un pantin sur un tricycle mais je n’arrive pas à faire autre chose. Dernier virage et je débouche au sommet. J’attrape une gourde de coca au ravitaillement et je regarde ma montre : 7h52 sauf que je l’ai arrêté lors de la chute à savine … il me reste donc plus ou moins 6’ pour descendre … Pas d’autre choix que de faire la descente à fond.
Je prie pour ne pas glisser ni faire d’erreur mais je m’en voudrais de laisser filer le sub 7. Qu’importe le marathon, qu’importent mes jambes, je veux faire un chrono sur le parcours vélo. Le parc est là, je déchausse et je passe la ligne de pied à terre. 7h56’ au temps officiel soit le 70e temps vélo. Enfin j’ai cassé cette barrière !
Je retrouve mon emplacement, petit avre de paix ou m’attend mon kit de survie pour le marathon. J’enfile un tee shirt manche longues, des chaussettes sèches puis je change mon dossard et j’attrape mon porte gourde… Mon corps tout entier aimerai s’assoir là et ne plus bouger mais il reste le marathon .
8h de course … « Si tu réussi à courir le chrono sera au bout ! » Je m’élance en 49e position de la course. Après quelques pas je retrouve une gestuelle correcte… Enfin correcte comme après 190 bornes de vélo ! Premier passage sur la digue, l’ambiance est démente. Mon allure se stabilise autour de 11.5km/h, malgré un départ un peu trop rapide, j’ai retrouvé une vitesse moyenne cohérente. J’approche de la cote du village, je décide de la marcher.
La traversée de la rue piétonne et la descente sous le rocher d’embrun se passe relativement bien, ma vitesse s’est stabilisée à 11 et pour l’instant j’arrive encore à boire. Les douleurs musculaires semblent « normales » bref, plus que 34 bornes de course à pied … ça parait si simple vue comme ça ! Je croise les cyclistes qui montent vers chalvet, je ne peux m’empêcher de les plaindre… Mais je dois rester concentrer, mon marathon débutera au 11e Km, là ou les deux éditions précédentes je n'arrivais plus à courir. Mais cette année je sais que c'est différent, je le sent... J’essaye de transposer le parcours en sections de 10km. Je ne pense qu’au prochain ravitaillement et je me concentre sur ma foulée. « Reste concentré » je tourne cette phrase en boucle dans ma tête, tantôt je l’entends, tantôt je la vois… C’est le seul moyen que je trouve pour m’extraire de la situation… J’arrive sur la ligne droite de baratier, long faux plat montant de 3 km, Julie et Sophie sont sur le bord de la route, je demande des nouvelles de julien… « Il a posé, ça va mais il est à 40’ ». Plus d’inquiétude une fois le vélo terminé, les risques d’abandon sont limités… Je retourne dans ma bulle, pas après pas les douleurs augmentent, il n’y a plus de contrôle, plus de calcul. Je me force à courir jusqu’au ravitaillement de Baratier, premier combat contre moi-même gagné… J’entame la descente vers le plan d’eau, je cours aux alentours de 11km/h avec les arrêts aux ravitaillements je suis à 10.5 de moyenne … Je me rapproche de plus en plus de ce chrono tant attendu. Retour sur la digue, kelly me demande si ça va « Ecoute oui… je sais pas pourquoi mais ça va » petit tour du lac et me revoici dans le parc à vélo. Je m’arrête au ravitaillement perso. Je mange un Babybel, et je bois un peu d’eau gazeuse pour couper le gout du salé puis je m’élance sur le second semi. J’ai bouclé le premier en 2h00 en ayant l’impression de le gérer … Le vrai combat commence. Si je reprends les mêmes risques que sur le marathon de l’iron médoc le sub 12 est envisageable. Mais à chaque mouvement de terrain, je sens que mes jambes n’ont pas vraiment appréciés ces 10h de ballades en montagne … Je n’ai qu’une envie, marcher... A chaque fois que cette idée s’immisce en moi, je re pense à la ligne d’arrivée, à ma famille et je continue à courir … Je ne le sais pas encore mais ce chemin de croix va durer 21 bornes. Le soleil à refait surface, je m’arrête quelques instant pour retirer mon sous vêtements. J’entame pour la seconde fois la cote d’embrun, comme au premier tour je marche mais cette fois ci j’ai bien plus de mal à me remettre à courir dans la rue piétonne. Mais je m’y oblige, Une fois le village d’Embrun dépassé je me dis que le plus dur est fait … Mais je me trompe. Je dépasse pont neuf, plus que 12km ! Je suis obligé de marcher la cote de la madeleine mais je repars dès le sommet franchis. Le combat continue. Pourquoi je suis là ? J’ai l’impression de ne plus rien contrôler dans mon corps, la souffrance devient de plus en plus forte. Je veux que tout cela s’arrête le plus vite possible. Chaque mètre me semble mesurer le triple. A l’approche de Baratier je me force à passer la cote en courant « Allez jusqu’au ravitaillement ».
6 Km, je croise mes grands parents, je leur dit que d’ici 40’ je serai sur la ligne si tout va bien.
Premier pas dans la descente, j’ai l’impression que mes hanches et mon fémur s’entre choquent, tous mes muscles sont contracturés, plus rien ne fonctionne normalement… « C’est mon kiné qui va bien rigoler à mon retour tiens… »
Le tour du lac me semble duré une éternité, de nouveau kelly me demande si je vais bien, je ne réponds pas, je lui montre mon visage, ça devrais suffire… Dernier ravitaillement, je le saute, il reste 1km5. Surement les plus durs que je n’ai jamais fais. J’arrive le long du parc à vélo, je longe la piscine, dernier virage à gauche et j’entre sur le tapis. Le chrono affiche 12h17’. Je voulais savourer cet instant mais je n’y suis même pas parvenus tant la douleur était présente…
Je franchis la ligne en 114e position, j’ai mal de partout, j’ai du mal à marcher jusqu’aux chaises du ravitaillement mais à ce moment là je suis le plus heureux du monde. Qu’importe la douleur, qu’importe cette journée infernale, qu’importent tous les efforts que j’ai faits pour cette course… Cette année tout ceci n’aura pas était inutile. Je rejoins ma famille à l’extérieur de l’aire d’arrivée puis je retire mes affaires du parc à vélo.
Le soir après une douche tant espérée, direction la finish line pour voir l’arrivée des derniers concurents ; Il y a quatre an je décidais à ce même endroit de faire l’embrunMan, en 2013 à 20h27 je terminais mon premier Iron Man. La boucle est bouclée, j’ai réussi mon défi de terminer cette course 3 fois en étant âgé de 22 ans. Je reviendrais un jour à embrun, je ne sais ni quand, ni si ce sera pour améliorer mon chrono mais je reviendrais !

 


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